Michel Zink, La pauvreté de Rutebeuf
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Le texte
  Œuvres complètes de Rutebeuf, texte établi, traduit, annoté et présenté avec variantes par Michel Zink,
  M. Zink, 1990 : Paris, Garnier, vol. 2, pp. 420-422.
   
  C’EST DE LA POVRETEI RUTEBUEF
   
  I
1 Je ne sai par ou je coumance, f. 45 r° 1
2 Tant ai de matyere abondance
3 Por parleir de ma povretei.
4 Por Dieu vos pri, frans rois de France,
5 Que me doneiz queilque chevance,
6 Si fereiz trop grant charitei.
7 J’ai vescu de l’autrui chatei
8 Que hon m’a creü et prestei :
9 Or me faut chacuns de creance,
10 C’om me seit povre et endetei.
11 Vos raveiz hors dou reigne estei,
12 Ou toute avoie m’atendance.
  II
13 Entre chier tens et ma mainie,
14 Qui n’est malade ne fainie[1],
15 Ne m’ont laissié deniers ne gages.
16 Gent truis d’escondire arainie
17 Et de doneir mal enseignie :
18 Dou sien gardeir est chacuns sages.
19 Mors me ra fait de granz damages[2] ;
20 Et vos, boens rois, en deus voiages
21 M’aveiz bone gent esloignie,
22 Et li lontainz pelerinages
23 De Tunes, qui est leuz sauvages,
24 Et la male gent renoïe.
  III
25 Granz rois, c’il avient qu’a vos faille,
26 A touz ai ge failli sans faille.
27 Vivres me faut et est failliz ;
28 Nuns ne me tent, nuns ne me baille.
29 Je touz de froit, de fain baaille,
30 Dont je suis mors et maubailliz.
31 Je suis sanz coutes et sanz liz,
32 N’a si povre juqu’a Sanliz.
33 Sire, si ne sai quel part aille.
34 Mes costeiz connoit le pailliz,
35 Et liz de paille n’est pas liz,
36 Et en mon lit n’a fors la paille. f. 45 r° 2
  IV
37 Sire, je vos fais a savoir,
38 Je n’ai de quoi do pain avoir.
39 A Paris sui entre touz biens,
40 Et si n’i a nul qui soit miens.
41 Pou[3] i voi et si i preig pou ;
42 Il m’i souvient plus de saint Pou[4]
43 Qu’il ne fait de nul autre apotre.
44 Bien sai Pater, ne sai qu’est notre[5],
45 Que li chiers tenz m’a tot ostei,
46 Qu’il m’a si vuidié mon hostei
47 Que li credo[6] m’est deveeiz,
48 Et je n’ai plus que vos veeiz.
   
  Explicit.
   
   
Manuscrit : C, f. 44 v°.
 
15. gage
 

[1] On traduit ici en conformité avec l’hypothèse d’Antoine Thomas, qui voyait dans la forme fainie le participe passé de faisnier (« ensorceler », « tromper », « égarer ») et avec la suggestion de F.-B. selon laquelle le participe passé signifierait ici « qui a l’esprit égaré ». « Le sens du vers serait « qui est saine de corps et d’esprit », « bien portante », et par conséquent (sous-entendu) « de bon appétit ».» (F.-B. I, 571).

[2] Il s’agit probablement de la mort de protecteurs du poète.

[3] Cf. Complainte Rutebeuf 23-28 et Paix de Rutebeuf 41-44. On comprend mal pourquoi F.-B. juge impossible ici une nouvelle allusion du poète à sa mauvaise vue et croit indispensable de corriger Pou en Prou.

[4] Jeu de mots sur pou (« peu ») et saint Pou (« saint Paul »). Cf. Plaies du monde 96 et Hypocrisie et Humilité 218.

[5] Parce que rien n’est à lui. Jeu sur le début du Pater : Pater noster, ou, sous une forme à demi francisée, Pater nostre.

[6] Jeu de mots sur credo et crédit.

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