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Œuvres complètes de Rutebeuf, texte établi, traduit, annoté et présenté avec variantes par Michel Zink, |
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M. Zink, 1990 : Paris, Garnier, vol. 2, p. 402. |
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C’EST DE BRICHEMEIR |
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I |
1 |
Rimer m’estuet de Brichemer |
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Qui de moi se joe a la briche[1]. |
3 |
Endroit de moi jou doi ameir, |
4 |
Je nou truis a eschars ne chiche ; |
5 |
N’a si large jusqu’outre mer, |
6 |
Car de promesses m’a fait riche : |
7 |
Au fromant qu’il fera semeir |
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Me fera ancouan flamiche. |
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II |
9 |
Brichemers est de bel afaire, |
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N’est pas .I. hom plainz de desroi : |
11 |
Douz et cortois et debonaire |
12 |
Le trueve hon, et de grant aroi. |
13 |
Je n’en puis fors promesse traire, f. 83 r° 2 |
14 |
Je n’i voi mais autre conroi : |
15 |
Auteil atente m’estuet faire |
16 |
Com li Breton font de lor roi[2]. |
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III |
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Ha ! Brichemers, biau tres dolz sire, |
18 |
Paié m’aveiz cortoizement, |
19 |
Que votre borce n’en empire, |
20 |
Ce voit chacuns apertement. |
21 |
Un pou de choze vos wel dire |
22 |
Qui n’est pas de grant coustement : |
23 |
Ma promesse faites escrire, |
24 |
Si soit en vostre testament. |
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Explicit. |
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[1] E. Faral décrit ainsi le jeu de la briche : « Au
milieu des joueurs rangés en cercle, un meneur de jeu, tenant à la main un bâtonnet, va de l’un à l’autre à mesure qu’on l’appelle et qu’on lui demande
son bâtonnet, la briche. Il finit par le remettre à celui-ci ou à celle-là, mais sans qu’on puisse savoir à qui, si l’on n’a pas vu de ses yeux. Un autre
joueur, celui qui est sur la sellette, et qui a été tenu à l’écart, est alors appelé et il doit découvrir le détenteur de la briche. Le rôle du meneur de jeu
est de l’égarer par ses discours. » (La Vie quotidienne au temps de saint Louis, p. 207-208). L’équivalent proposé par la traduction est loin d’être
exact : au jeu de la briche, le porteur du bâtonnet « l’offre à tous sans le donner à aucun », comme le dit une description de ce jeu. C’est ce que fait
Brichemer en payant le poète de promesses. En outre, le personnage est désigné sous le nom de Brichemer précisément parce qu’il joue à la briche avec
le poète. La traduction fait disparaître ce calembour.