Panorama des principales éditions des œuvres de Rutebeuf. |
Manuscrit : B fol. 104 r°. |
Graphie normalisée : 11 ci ; 78 c’est. — 3 Simerai — 19 Com (9) — 27 B. et s. — 43 chanp estre — 44 Com autre — 46 V. estres m. — 50 passer et avril — 72 letoie. — 73 b. et r. — 82 asflite — 98, 99, 100 la fin des vers manque dans le ms. par suite d’une déchirure (au v. 99, le bas de la lettre u dans veut est encore visible de même l’amorce de la lettre s dans beste au v. 98) — 103 l. ceste g. — 107 lor ces de — 112 o exponctué après trueve — 113 Q. est e. |
[1] « Mon seul pouvoir est la parole. »
[2] Cf. A, note au vers 79.
[3] 15-16. Le vers 16 est faux. La leçon vient est suspecte. Sur les corrections possibles, voir Recueil de travaux offerts à M. Clovis Brunet, t. I, pp. 412-413. En tout cas, le sens général des deux vers est clair : « M’écoutez-vous véritablement, vous et vous ? Ou bien peut-être chacun de vous a-t-il peur (de m’écouter) ». Sur quoi vient l’admonestation des vers suivants.
[4] 15-18. Apostrophe à ceux qui n’osent écouter la vérité : cf. H 54-61.
[5] par estovoir, « inévitablement », se rattache à face.
[6] la, adverbe, probablement « en enfer ».
[7] 22-24 et 25-36. Énoncé de l’erreur où la « fole gent » tombe à son grand péril quand elle croit à la sainteté des Jacobins et des Cordeliers en les jugeant seulement sur l’habit.
[8] martirez = martires, le copiste du ms. écrivant ouvent, à la finale, z au lieu de s.
[9] Li saint preudome, les ermites du désert.
[10] pourchacent = pourchaçant.
[11] refurent, « furent eux aussi ».
[12] Ceux des Facultés de Théologie et de Décrets.
[13] 37-84. Cf. F 67-76, et notes (contre les docteurs et prélats qui n’osent défendre la vérité), De Periculis, chap. X, et Collectiones, p. 481. (sur le châtiment qui les attend).
[14] 38-39. titre, cf. V. 48 et E, 190 et note.
[15] cinqueime evengelitre. Ne vise pas spécialement l’auteur de l’Évangile éternel, compromettant pour les Mineurs, non pour les Prêcheurs, et d’ailleurs retiré en 1256 par ordre du pape. Il s’agit seulement (comme lorsqu’au vers 45 il est parlé de « novelle espitre ») des nouveautés doctrinales introduites par les Frères quant au pouvoir qu’ils s’arrogeaient de confesser, de vivre de l’autel, etc. C’est tout de même qu’ailleurs l’auteur accuse les Frères de ne pas croire « le droit escrit de l’Evangile Jesucrist » (D 104-105), de ruiner la « creance » et la « loi » de l’Église en ne reconnaissant pas l’autorité des prélats (F 85-88), et que, dans U 44-45, il parle de « cels qui font nueve creance, novel Dieu et nueve Evangile ».
[16] mestre et menistre, c’est-à-dire comme qualifié pour porter la parole de Jésus-Christ. Même expression, appliquée à saint Jean l’Évangéliste dans T 163-164, et dans AT 353-354.
[17] Vers faux. Kressner a suppléé haut devant roi. On pourrait aussi bien suppléer nous devant parler.
[18] pestre. Pour l’expression et la justification de la correction, cf. E 184.
[19] Comme le bourreau à un malfaiteur, supplice qui excluait de l’Église le condamné.
[20] 49 et 60. il n’en puet mais : cf. E 54 et note.
[21] Cf. E 56, et note.
[22] Peut-être allusion à la prosopopée de Sainte Église dans E, dont les vers 71-72 sont ici reproduits aux vers 52-53.
[23] a fet son lais. Cf. E 71, et note.
[24] = « à vrai dire ». Le sens des vers 52-56 est : « la vérité est expirante, ni clerc ni laïc n’ose plus la dire, et elle se réfugie dans son trou. La vérité, si l’on veut la dire, c’est que vous avez peur... »
[25] de, « au sujet de, pour ».
[26] puet. Le sujet est la verité.
[27] Vers faux dans le manuscrit. Un proverbe (Morawski, n° 1667) dit : « Por ce sont les dens au devant que l’en ne die folie » : d’où l’idée de corriger muevent en remuevent (« font obstacle au trere »). Mais on ne dit pas trere la verité, on dit la retrere : d’où l’idée de la correction retrere, d’ailleurs mieux explicable paléographiquement (haplologie) et qui supprimerait à la rime la répétition de deux trere consécutifs ; muevent s’entendrait alors comme « marmottent » (cf., à propos des prières dites entre les dents, O 399 ; AT 1904, où toutefois denz est complément) ; et le sens serait : « les dents marmottent (timidement) les paroles de la vérité, mais (et adversatif) le cœur n’ose pas s’avancer ». Idée analogue de paroles où le cœur n’est pas dans le Castoiement dou pere a son fils (Barbazan et Méon t. IV, p. 42, v. 43-44, qui glosent Mathieu, XV, 8 : « labiis me honorat ; cor autem eorum longe a me est ») : « Et sa bouche muet en orant, mais ses cuers est de Dieu molt loing. »
[28] et nervoié. Leçon certainement fautive, nervoié, adjectif ou participe, ne pouvant être lié par et au substantif prélat. La correction esnervoié serait paléographiquement très facile. Le mot n’est pas attesté, mais nervoié ne l’est pas plus. Il signifierait « sans énergie ». Voir Recueil Brunel précité, t. I, pp. 414-415.
[29] CL H 166 ; X 120-121 ; AE 223 ; R 50 (« le Deu patremoine »). Expression courante et ancienne (elle est déjà dans le Livre des Manières d’Étienne de Fougères, v. 210) pour désigner les biens de l’Église, provenus du sacrifice même du Christ (le Crucefi). Le reproche fait aux prélats et prébendés d’en mésuser est un lieu commun. Voir aussi A. Långfors, Étienne de Fougères et Gautier de Coinci (Neuphilologische Mitteilungen, t. XLVI, 1945, pp. 115-122).
[30] 64-66. On attend maintenant la raison pour laquelle les prélats sont indignes de jouir des biens du Christ : c’est que, taisant l’hérésie des Frères, dont ils ont peur, ils manquent à leur devoir fondamental de défendre la doctrine chrétienne (v. 64-66 ; cf. v. 74-76). — La leçon rimoié (v. 65) est inintelligible : à quelle réalité connue rapporter l’idée de rimeurs qui auraient tenu les prélats à la gorge, même en supposant que ces rimeurs auraient été les Frères ? Et comment prendre rimoié au sens de « tympaniser » ? — atefi (v. 66) se trouve sous la forme attefit (Godefroy, et Du Cange, au mot attefectum ; cf. le verbe atefier, dans Godefroy et Romania, t. LIII, 1927, p. 236) au sens d’ « arbre nouvellement greffé » et peut-être plus généralement de « jeune arbre pour le repeuplement ». — En introduisant la correction rimoié / renié, et en prenant atefi au sens figuré de « substitut, remplaçant » (cf. U 44-45 : « fere novel Dieu »), l’on obtient un sens conforme aux exigences du contexte : « Ceux-là (les Frères) vous tiennent serrés à la gorge (vous empêchant ainsi de parler) qui ont souvent renié Dieu (le Christ), abandonné par eux pour son remplaçant (l’antéchrist) ». Je change ici l’explication que j’ai proposée précédemment (Recueil Brunel, t. I, p. 415) pour atefi.
[31] Dou remenant, « pour le reste, pour ce qui vous attend dans l’autre vie ».
[32] plus, « plus que vous n’avez maintenant ».
[33] Vers faux, qui peut se rétablir en lisant jusques en (cf. AD 50). — J’ai discuté précédemment (Recueil Brunel, t. I, p. 416) sur une leçon leroie, mais bien inutilement. Un nouvel examen du manuscrit m’a montré qu’il portait letoie. Il suffit d’admettre une omission du signe de nasalisation sur le pour avoir la leçon l’entoié, « le boueux » (cf. T.-L., III, 544, 20-47) : à mettre dans la série des épithètes péjoratives communément appliquées à l’enfer.
[34] Dit ironiquement.
[35] 73-84. Les prélats sont coupables de « laissier » ou de « taire la sainte Escriture », parce qu’ils ne défendent pas contre les Frères la doctrine véritable, inscrite dans les textes sacrés. Un sévère rappel de leur devoir sur ce point leur est fait dans le De Periculis, chap. IX et X, et dans les Collectiones, 5e partie, avec appui principal sur Ézechiel disant (III, 17 ss.) : « speculatorem te dedi domui Israel ; et audies de ore meo verbum, et annuntiabis eis ex me. Si, dicente me ad impium « Morte morieris », non annuntiaveris ei neque locutus fueris ut avertatur a via sua impia et vivat, ipse impius in iniquitate sua morietur, sanguinem autem ejus de manu tua requiram ».
[36] Don (= Dont) a pour antécédent logique l’idée de « laisser »
[37] Une vie contraire aux commandements de Dieu. — obcure, au sens moral, « damnable ». Cf. AU 511 et 517 ; AV 194-202 ; AX 138.
[38] petite, « sans mérite », à moins d’entendre : « Et pourtant votre vie est courte », sous-entendu : « il faudrait donc la bien employer ».
[39] 80-84. On ne saurait dire si la « profecie » comprend les quatre vers qui suivent, ou seulement les trois derniers du groupe, ni à quel texte l’auteur se réfère. Pour l’idée, comparer avec F 70-76 (et note), où elle repose non sur une prophétie, mais sur une parole de saint Grégoire.
[40] 85-90. Cf., pour l’image, K 19-20. Dans les proverbes voisins (Morawski, nos 720 et 941 ; Leroux de Lincy, t. I, p. 43), il s’agit de l’eau dormante, non de celle qui tourbillonne.
[41] 85-96. Raisons pour se défier des Frères.
[42] a cort, à la cour des princes et des prélats. Cf. De Periculis, p. 62, signe 14 ; De Phariseo, p. 12, signe 3 ; Responsiones, art. 3.
[43] 91-96. Cf. P 19-64 et note.
[44] Qu’a = « qui a ». — font si le sort, « font les sourds » (sur le non-accord de l’attribut, voir Tobler, Vermischte Beiträge, I, n° 25). — Pour l’idée, cf. Collectiones, p. 424 (à propos des Frères) : « illum (pauperem) aut rejiciunt aut saltem negligunt et contemnunt »
[45] a un mot cort, « d’un seul mot, d’emblée ».
[46] a coi que tort, « quoi qu’il en doive advenir (de leur promesse fallacieuse) ».
[47] Explique o coi que tort.
[48] 97-108. Cf. Recueil Brunel, t. I, pp. 417-418. L’auteur exclut de son blâme les petites gens (la gent menue) qui, à la différence des prélats, sont incapables de juger.
[49] « Gloria laus, c’est pour eux comme gloire loire ». Le Gloria, laus et honor, de Théodulphe, se chante aujourd’hui encore, le jour des Rameaux, au retour de la procession. Il est inséré à ce titre dans la Passion du Palatinus (éd. Grace Frank) après le vers 193. — loire, façon de comprendre du peuple stupide : peut-être le nom de la loutre (voir Romania, t. XXXIV, 1905, pp. 108-109 ; ajouter Roman de Renart, Va, v. 1084 et Modus et Ratio, éd. Tilander, 2, 10, et variantes). Le mot peut aussi désigner la cuve du pressoir (Godefroy) ou bien le vin même sortant du pressoir (Du Cange, s. v. loyra).
[50] une grant estoire, « toute une histoire ».
[51] « la seule chose à laquelle ils s’entendent » (mimoire, « intelligence »).
[52] 107-108. « Dites-leur : « c’est dans saint Grégoire » ; quelle que soit la chose, elle est crue. »
[53] 109-111. ce fut, inintelligible. refut (= refust, le scribe écrivant ordinairement fut le subjonctif imparfait de estre) donnerait le sens « ... une enquête sur ces gens-là (les Frères) qui fût de son côté (cf. v. 34 refurent) aussi loyale que… » Toutefois il y aurait répétition du si comparatif aux vers 110 et 111. On pourrait donc songer à corriger en se font (plus difficile paléographiquement), le sens étant alors : « sur ceux (les Frères) qui se donnent pour si vertueux » (l’attribut au cas sujet après se faire, « feindre d’être » est correct). — Peut-être aussi pourrait-on prendre ce fut (ce = se, comme écrit plusieurs fois le scribe) pour une forme pronominale de estre (cf. Tobler-Lommatzsch, III, 1462, 37-41) : ce qui imposerait alors le premier des deux sens sus indiqués.
En tout cas, la phrase est une conditionnelle indépendante. Ce tour, interrogatif, sert à exprimer une suggestion (ex. : Renart, II, 397 : « Sel ferissiez ? »), comme aujourd’hui encore. Exclamatif, de même comme aujourd’hui (cf. Littré, si, 9°), il exprime le regret d’une chose qui ne se peut pas (ex. première continuation de Perceval, éd. Roach, t. I, v. 13817, des mss. T, V, D : « Et se or me leüst a dire... » = « Ah ! si j’avais le temps de dire... », cf. t. II, v. 18055 et t. XII, v. 7991). C’est sans doute ce second emploi qu’on a dans notre passage « Ah ! si le roi faisait... » Cf. AK 37 ss.
[54] ces, emphatique « ces baillis que vous savez bien ». Allusion aux fameuses enquêtes ordonnées par saint Louis à leur sujet.
[55] ausin, « aussi bien que sur les baillis ».
[56] est, inintelligible. La correction ost (subj. pr. 3 de oser) donne un sens conforme à l’idée, exprimée ailleurs par le poète (D 15-44 ; E 14-16 ; F 66-72 ; J 214-216) et ici même, aux strophes V-VII, qu’on n’ose pas résister aux Frères.
La phrase est une exclamation de regret, d’un type connu du français moderne (ex. : La Fontaine, Fables, VIII, 5 : « Que n’est cet avantage Pour les ruines du visage ! ») et très ancien (Roland, 2723 : « Que n’ai un hume qui m’ociet ! », et, plus tard, fabliau d’Aloul (M. R., I, p. 258, v. 92) : « Diex, c’or ne set cele aventure Alous ! »), Cf. AE 66 et 68.
[57] lor, à ceux qui jugent
[58] 116-118. « Quand ils voient pourtant que... » — cil, les Frères : cf. B 17-40 ; F 139-152 ; J 57-74.
[59] les, les Frères. Sens de la strophe : « Ah ! si le Roi faisait sur ces gens-là (les Frères) une enquête qui fût aussi loyale que celle qu’il fait (ou sur ces gens qui se prétendent si honnêtes une enquête comme il en fait) sur les baillis ! Que ne trouve-t-il, aussi bien, clerc ni prêtre qui ose enquêter sur leur comportement, de quoi le monde souffre tant ! Clercs et prêtres perdent la raison quand ils voient pourtant que ces gens (les Frères), qui couchaient autrefois sur la paille, maintenant nous persécutent s’ils n’ont... etc. » Cf. Recueil Brunel, I, pp. 418-421.