Panorama des principales éditions des œuvres de Rutebeuf. |
Manuscrits : A, fol. 325 r° ; C, fol. 7 v°. |
Texte et graphie de A. |
Alinéas de C, sauf, de notre fait, aux vers 106 et 175. — En A, alinéa au seul vers 67. |
Titre : C C’est li diz des regles — 2 C ge plus que — 11 C se rooille — 16 C briez — 22 C chateil — 27 C sont et d. — 32 C D il sont mort et m. — 33-36 A mq. — 37 C Ha las qui porroit deu a. — 48 A que s. P. — 71 C s’aploie — 84 C Jacobin — 88 C D. en iteil g. — 92 C sainte amour — 96 C cours — 105 C fins — 118 C mors — 123 C armes — 125 A a. cureur ont, C a. cure ont — 132 C graz — 136 C li cuers — 140 C s. lor v. — 162 C Qui plus bele est si est — 165 C dit — 168 C vertuz — 170 C dou l. —171 C sai plus ci — 174 C angre —175 C Ami — 179 C fervans — C Explicit. |
[1] verité (cf. v. 3 et 5), c’est à dire la doctrine que Guillaume de Saint-Amour et ses partisans disaient véritable. — Pour l’idée que les Frères ne pouvaient supporter la vérité qui les gênait, cf. De Periculis, p. 63 ; Guillaume de Saint-Amour, Sermon sur Jacques et Philippe, p. 504 ; Collectiones, pp. 443-445.
[2] Voir Notice.
[3] A cels dépend de li dires, pourtant substantivé.
[4] 6-7. Ont mis en auctorité, « font dire à l’Écriture, alléguée comme autorité, des choses qui n’y sont pas ». Cf. Collectiones, pp. 444-445 : « verba veritatis, eo quod eis aspera videntur non amant ; sed ex more adversus eam per sophisticas rationes vel per extortas Scripturae authoritates oblatrant... »
[5] 8-15. Cf. Collectiones, p. 300, à propos des religieux qui feignent d’être morts au monde pour mieux le séduire : « ad instar vulpis, qui simulat se mortuum ut aves decipiat, ut dicit Isidorus, lib. XII [2, 29] Etymologiarum, sunt simulatores et ficti ».
[6] Ce trait particulier provient, directement ou indirectement, du Physiologus (texte dans Martin et Cahier, Mélanges d’archéologie, t. II, pp. 208 ss.).
[7] Ausi, reprenant le Aussi du v. 8, introduit le second terme de la comparaison (« de même »).
[8] 19-64. L’idée dominante de ce passage — promesse illusoire du paradis, contre argent, à des coupables — trouve son complément dans les vers 106-124. Le thème majeur, déjà esquissé dans une lettre d’Innocent IV du 10 mai 1254 (Chart. Univ. Par., n° 236), est repris en ces termes dans la bulle Etsi animarum (ibidem, n° 240, p. 268) : « ... nonulli vestrum, mox ut aliquos aegritudinis languore detentos intelligunt, ad ipsos festine concurrunt et, eos illectivis verborum blanditiis demulcentes, praecipuum ipsis salutis remedium pollicentur, si apud eorum ecclesias elegerint sepulturas ; ac tandem, eos ad suum propositum talibus persuasionibus pertrahentes, ad testamenta eorum ordinanda se ingerunt... » Il est largement orchestré dans les Collectiones (pp. 366 et 464-468), où s’ajoute la mention que les testateurs peuvent être des usuriers ou autres coupables et que les Frères se servent ensuite de leur argent pour leur propre usage : (p. 464) « … quando aegrotant divites usurarii vel alii peccatores opulenti, conscientia peccatorum suorum morte imminente turbati, statim ingerunt se illorum confessioni et, terrentes eos de poenis futuri saeculi, promittunt eis animarum salutem si apud eos elegerint sepeliri, apud quos asserunt majora et meliora orationum suffragia inveniri, cum tamen eorum orationes nec sibi nec aliis possint proficere ad salutem, immo, cum per eas decipiant, ad majorem cedunt eorum damnationem... » — « … promittentes salutem aeternam aegrotis divitibus, si secundum eorum consilia condiderint testamenta : in quibus testamentis seipsos, vel aliquos de suis, executores vel executorum consiliatores ordinari procurant... Et, ne testatores, dum vivunt, testamenta, praedictorum consiliis facta, cujusquam suggestiones possint mutare aut legata immoderata eis relicta revocare vel minuere, semper usque ad mortem aegris assistunt, quasi vultures circumvolantes ac cadavera expectantes... » — (p. 465) : « Consequentur vero, aegrotis illis defunctis, illam eorum pecuniam ipsorum executioni seu ordinationi commissam, sub praetextu suae voluntariae paupertatis et suae simulatae sanctitatis, in usus suos vel suorum convertunt. » Cf. pp. 366 et 467-468 ; Rutebeuf, U 109-120 ; Droit au clerc de Vaudoi (Jubinal, Nouveau Recueil, t. II, p. 148), au sujet des Jacobins et des Cordeliers :
Il seulent maudire premiers
Les presteors, les useriers,
Ceus qui prestoient a usure ;
Or ont lor ames pris en cure ;
Executor par lor ardure
Sont d’aus, por avoir lor deniers.
[9] 21-22. C’est-à-dire de biens pris sur autrui (ici, par les donateurs ou les testateurs). Cf. ci-après, v. 51 ; AE 281 ; AP 7 ; AQ 19-20.
[10] Expression toute faite, « réellement, tout à fait ». Cf. Grognet et Petit, v. 8 et 109 ; Barat et Haimet, v. 389 ; Dame qui fist entendant son mari qu’a sonjoit, v. 6 ; etc.
[11] 26-27. Parmi les élus de Dieu, le Psaume XIV (verset 4) met celui « qui pecuniam suam non dedit ad usuram ». Il ne parle pas de damnation. Peut-être Rutebeuf s’est-il trompé sur le sens des mots « qui facit haec non movebit in aeternum » (« celui qui fait ainsi ne faillira jamais »), en entendant « celui qui fait l’usure sera damné pour l’éternité ».
[12] celui, « celui-ci » (celui de Dieu). — il : les pécheurs en question, les usuriers notamment.
[13] 33-36. Ces quatre vers, manquant dans le ms. A, pourraient passer pour une addition, du fait que le vers 37 semble indiquer une différence de rédaction entre les mss. A et C. Mais l’addition pourrait être de l’auteur lui-même : elle s’explique par des textes qui lui étaient familiers. Dans son sermon du 13 août 1256 sur Jacques et Philippe, Guillaume de Saint-Amour (p. 8) avait cité, en effet, la glose à Matthieu XXIII, 5 (« dilatant enim phylacteria sua... »), qui disait : « in habitu praetendebant sanctitatem, quia membranulas, in quibus scriptus erat Decalogus, gestabant frontibus, quasi semper meditantes legem Dei ». C’est l’éclaircissement des vers 33-35 de notre poème. — Au vers 36, Et est adversatif : « Et pourtant ils [les Frères] sont ce que je dis, c’est-à-dire des hypocrites. »
[14] 37-39. Si l’on pouvait avoir le paradis pour de l’argent, ce serait une bonne affaire de voler.
[15] les : les scélérats.
[16] Et il : Et pourtant les Frères... — dis et dis, « par dizaines » : cf. O 658 ; Q 98 ; AU 331.
[17] 51-52, tels... cist, « les usuriers ». Au vers 52, raisonnement prêté ironiquement aux Frères : « les usuriers, du moment qu’ils ont payé, n’ont-ils pas acheté valablement le paradis ; »
[18] 53-60. Réponse à la question du vers 52. Argument tiré de l’exemple des martyrs. Cf. G 25-36 ; L 46-48 ; W 25-28 ; AB 81-88 ; AE 341-356. Le thème est déjà esquissé chez Gautier de Coinci (Miracles, p. p. A. Långfors, p. 276, v. 2132-2149).
[19] d’avantage : « par dessus le marché, gratuitement ».
[20] 61-64. cil, s. Paul, Rom. VIII, 18 (rapprochement déjà fait par M. Lucas) : « Existimo enim quod non sunt condignae passiones hujus temporis ad futuram gloriam, quae revelabitur in nobis. » — ne sont pas digne, « sont à peine suffisants pour mériter... » (en réalité, l’Apôtre a voulu dire que les tourments du temps présent sont sans proportion avec la gloire à venir) — rementi, « a menti de son côté », si l’on entre dans l’idée que le paradis s’obtiendrait pour rien.
[21] Si sont, « et le sont aussi ». Le vers vise les maîtres des Facultés de Décrets et de Théologie, distingués des prélats comme dans G 37-60 et 61-84. Dans H 294, les mêmes termes désignent les juristes et théologiens de la cour romaine.
[22] 70-76. Reproche de forfaiture, parce qu’ils ne défendent pas contre les Frères la vérité chrétienne. Cf. G 37-84 ; et, dans le long développement des Collectiones relatif au sujet, ce passage de s. Grégoire (Moralia, lib. XXIX), auquel semblent répondre les vers de Rutebeuf : « Qui propter alicujus timorem sive favorem veritatem tacuit, lupum vidit venientem et fugit ; qui, si districte judicatur, etsi persecutio publica defuit, tamen tacendo Christum negavit. » — Ce double effet de la peur et de la complaisance est rappelé dans J 216.
[23] 77-83. Rappel de la composition du 1er mars 1256. Voir Introduction, p. 77.
[24] La composition fut déclarée nulle par le pape le 17 juin. Ibidem, p. 79.
[25] 85-86. La « creance » et la « loi », c’est-à-dire l’institution ecclésiastique, placée sous la garde des évêques.
[26] Interprété dubitativement dans le T.-L. comme « jem. Lügen strafen, jem’s Rede in den Wind schlagen (?) ». On supposerait plutôt une bravade, un « ptroupt ! » faisant penser à une inconvenance (cf. Richeut, v. 967-969).
[27] par estovoir. Comme il y était obligé par la vérité et la recommandation de s. Paul qui imposait de la proclamer (II Tim., 3, 1 ss). Cf. Responsiones, partie V.
[28] 96-97. Chronicon Normanniae (Recueil des Historiens de la France, t. XXIII, p. 215) « ... Magister Guillelmus de Sancto Amore fortite in curia stetit et, in pluribus a praedictis religiosis accusatus, de sua innocentia et doctrina coram quatuor cardinalibus competenter satisfecit, a quibus ab omni impetitione Fratrum pronuntiatus est immunis et absolutus ».
[29] 101-103. L’idée et, en partie, les termes de ces trois vers sont déjà dans E 25-27.
[30] Cf. D 101-117 et note.
[31] Encor, « De plus ». — chiene. A mettre peut-être en relation avec les vers 112-113, qui évoquent l’idée du proverbe très répandu : « chiens en cuisine son per n’i desire » (Morawski, n° 382).
[32] 106-134. De Periculis, p. 67 : « … qui quaerunt hospitia ubi melius pascantur, et recipiunt munera malorum divitum... » Cf. Collectiones, pp. 469-470. Thème auquel Rutebeuf ajoute (peut-être expression d’un dépit personnel) que les Frères, installés en maîtres dans une maison, en éloignent les autres hôtes.
[33] 115-124. Cf. Collectiones (p. 464), passage cité ci-dessus, note aux vers 19-64 (« … quando aegrotant divites usurarii, etc. »).
[34] 116-118. mors (ms. C), attribut de régime, doit être la bonne leçon. Bien qu’au vers 117, A et C donnent fort, il semblerait donc qu’on dût lire fors (les presse de sortir). Reste la rime s : z ; mais cf. AX 90-91 : or(d)s : tresors.
[35] 119-120. Ils s’en remettent pour leur testament à ces gens (les Frères) que Dieu assiste ! (ou confonde !). « Pour cette dernière expression et ses analogues (où ament signifie tantôt « corrige » tantôt « assiste »), cf. BF 158. Aux exemples du t.-L., I, 336, 3-6, ajouter : Chansons satiriques et bachiques, éd. A. Jeanroy et A. Långfors, pièce VI, v. 41 ; — Robert de Blois, Enseignement des Princes, v. 133 ; — Testament de Jean de Meung, p. 18, v. 348 ; etc.
[36] 121-123. il, les Frères. Cf. Collectiones, p. 465 (ci-dessus, note aux vers 19-64).
[37] Ms. A : cureur (qui est certainement une faute) ; ms. C : cure (qui suppose un hiatus difficilement admissible). La correction cure or supprime l’hiatus et explique l’erreur de A (cure or, lu cureor, cureur).
Sens : bien que n’ayant pas le gouvernement des âmes, ils ont les revenus attachés à ce ministère (grief capital du clergé séculier contre les Frères, qui, n’étant pas curés, prétendaient cependant vivre de l’autel).
[38] 135-136. Cf. C 57-58, et note.
[39]139-148. Cf. J 61-74 ; De Periculis, p. 66, au sujet des Frères qui « offenduntur quando non ministrantur eis cibaria lautiora », et Collectiones, p. 469, qui « non sunt contenti oblatis cibo et potu, sed potius stomachantur vel indignantur... si non ministrantur eis magni pistes et optima vina ».
[40] riviere, donc s’il n’y a pas de poisson. Il ne s’agit pas ici de gibier d’eau. Cf. le passage des Collectiones cité dans la note précédente.
[41] S’il devoit, « dût-il ». Cf. BE 155 ; AT 643 et 836, « au risque de ».
[42] 147-148. Luc, X, 7-8 (« In eodem domo manete, edentes et bibentes quae apud illos sunt... »), passage exploité dans le De Periculis, p. 51, et dans les Collectiones, p. 469.
[43] 154-174. Il s’agit des Béguines. Elles étaient en la dépendance spirituelle, et parfois matérielle, semble-t-il, des Frères Prêcheurs. Cf. Richer, Gesta Senon. eccl. (Monum. Germ. hist., S.S., t. XXV, p. 308) : « sub doctrina Praedicatorum specie religionis floruerunt », et Collectiones, pp. 267-275, où l’aspect moral de la question est longuement traité. Leur genre de vie a souvent prêté à la satire : cf. Voie de Paradis anonyme (Jubinal, Œuvres de Rutebeuf, t. III, p. 197, v. 91-113) ; Salut d’enfer, v, 10-12 ; Lamentations de Mathieu, 1. II, v. 1769-1784 ; Jacques d’Amiens, Ars d’Amors, v. 2299 ss. ; etc. Rutebeuf ne les a pas ménagées : cf. N ; L 25-48 (où il raille, cette fois, leur voisinage avec les Barrés), et S II, v. 166-169.
[44] 155-156. Allusion à leur guimpe froncée. Jean de Meung, dans le Roman de la Rose, dit seulement :
12045 Vest une robe cameline
E s’atourne come beguine,
E ot d’un large cueuvrechief
E d’un blanc drap couvert le chief.
[45] 158-159. C’est-à-dire « enlever d’emblée le paradis ».
[46] de tel coroie çainte, « ainsi disposée », c’est-à-dire à suivre les Frères et à se faire béguine. Le P. Mandonnet (Siger de Brabant, 2e éd., p. 297, n. 2) a conclu de ce vers que « les personnes dévotes à l’Ordre des Frères Prêcheurs en portaient la ceinture comme un signe distinctif de leur affiliation ». En réalité, il s’agit d’une expression toute faite pour parler d’un caractère ou d’une humeur : cf., chez Rutebeuf, O 382, et de nombreux exemples d’autres auteurs dans t.-L., II, 882, 50 ss., où notre passage n’a pas été relevé et où manque une traduction.
[47] 165-170. S. Bernard, Sermon LV sur le Cantique des Cantiques (Migne, Patr. lat., t. CLXXXIII, col. 1091) : « Cum femina semper esse et non cognoscere feminam, nonne plus est quam mortuum suscitare ? » Ce texte est allégué, à propos des Béguines, dans les Collectiones, p. 269.
[48] 172-173. Même image, au même propos, et au même sens malicieux, dans le Roman de la Rose, v. 12061 ss. et dans le Combat de saint Pol contre les Carmois (année 1311), p. p. Scheler, Trouvères belges, p. 242, v. 94-100 :
Le prieur [des Jacobins] trouva orendroit
Qui confessoit une beguine ;
L’un vers l’autre la teste encline,
En un anglet en lor parloir ;
Un bien petit pooit paroir
Qu’elles ne fussent accouvertes
De leur caperons les deus testes.
[49] 175-180. Cf. E 8-13 et note.
[50] 178-180. la lettre : Boèce, De consolation, III, 5, prose : « nulla pestis efficacior ad nocendum quam familiaris inimicus », qui est citée dans le De Periculis (p. 30, avec fausse attribution à s. Grégoire, du moins dans l’édition imprimée), et dans les Collections (avec attribution correcte), p. 321.
[51] 181-182. Cf. v. 105.