Panorama des principales éditions des œuvres de Rutebeuf. |
Manuscrits : A, fol. 315 v° ; B, fol. 71 v° ; C, fol. 49 v°. |
Texte et graphie de A. |
Titre : A Guill’ ; B La complainte de saint amor, C Ci encoumence la complainte maitre Guillaume de saint amour — 3 B doulors tex, C deleurs teiz — 5 B sui ; BC sus — 6 C esgrune — 15 B n’osent — 16 C sires — 19 B lor n. — 20 C et huevre est d. — 21 C ors ; lure — 27 B avroit — 81 C je c. — 32 B son pere — 35 B le veut — 36 B mq. ; C qu’il encommensa — 38 B q. les r. — 42 C justicien — 49 B cuer et cors — 50B f. l’oez — 53 B que en — 56 C avris — 57 B enseiga, C encharja — 65 C l’at hon — 66 B mq. ; C renclus — 68 B de lui — 69 B loc d. — 70 C ja — 71 BC veritez (C veriteiz) — 75 C du pais — 78 B Et fox sanblanz — 81 B Et d. — 83 B p. n’a part — 87 B Emportent dont a — 89 C franc — 90 B Qui on, C Que hom — 92 B C Mais — 96 B g. lor c. — 99 A la v. ; C teiz genz ; B gent mq. — 105 B t. ai e. —107 B Je me — 110 C iez — 111 C Clergie com iez ma f. — 112 B pr. et pape — 114 C Moult pou — 115 B en Boloigne — 121 B Escorpions serpens et huivre — 125 B Qu’il met a. — 129 B droiz fu tors — 131 B noir — 138 C n’il nou f. — 141 B Ou trestoz vis d. — 142 B Qu’il fut ja. — 143 B Fere nel v. ; C Que d. nou v. — 144 B Or en voit si com —151 C Ansois ; B m. cruel t., C m. fort t. — 157 B C dire ; C a moult c. ; B c. au m. — 160 B Si viaut — 161 B Ce brait r. — 165 B C. nostres sires oura — 166 B orguel — 168 B Sil ; C il muert por — 169 B s’est — 171 C lairait — 172 AC ne puet il corre — 174 B Ou il n’a nul si prodome — 177 C aroi — 178 B s. son le d. — 181 B mq. ; C t. autres le —183 B enfans — 189 B p. dont a J. — 190 B celui — 193 B si empri la, C prist — 196 B volantez, C volenteiz — B amen mq. — A Guill’ ; B Explicit la complainte de saint amor ; C Explicit. |
[1] Jérémie, Lamentations, I, 12.
[2] Tel gent, les Frères. — se font, « feignent d’être ».
[3] 8-13. L’un des thèmes du De Periculis (pp. 28-30 et 55) ; cf. Collectiones, p. 319-321 et Règles (F), v. 175-180.
[4] « sans déclaration de guerre ».
[5] « Ils font que les miens se tapissent, parce que... »
[6] 15-16. « nul n’ose leur répondre sinon sire » n’a pas de sens, d’autant qu’ici respondre (cf. D 98 ; H 274) doit signifier « contredire, s’opposer à ». De plus, sire ne peut guère être un nom ; car, lorsque ne mais que est suivi d’un nom, ou d’un équivalent, ce nom est normalement en même fonction grammaticale (sujet ou complément) que le nom précédent, ou son équivalent, qu’il rectifie (à Godefroy, V, 91c, ajouter Roland, v. 217, 1309, 2759, 3338). D’autre part, ne mais que, signifiant « sauf que », peut être suivi d’un verbe faisant pendant à un verbe antérieur. Aux exemples recueillis par A. Tobler, V. B., III, n° 13, p. 84, ajouter Auberee, d’après le ms. fr. 837 de la Bibl. nat., fol. 41 v° B : « ne sai... que devint li sorcos, ne més que je souche Que ge l’oubliai... » ; Dit dou Secretain (M. R., t. VI, p. 135, v. 534 : « Par un petit ne m’a tué, ne mais que je chaï... » Dans notre passage, lire donc probablement s’ire (de s’irier) et comprendre : « nul n’ose leur résister, sauf qu’il s’indigne (tout en s’indignant) ».
[7] chanter et lire, métaphore : c’est-à-dire prétendre en paroles.
[8] Cf. D 92.
[9] por la verité « à cause de la vérité (qu’ils défendent) ».
[10] Cf. C 43 et note.
[11] 26-27. Cf. F 102-103.
[12] Cf. AQ 78. Proverbe (Morawski, n° 2083, et variantes).
[13] ont, sujet : les Frères. — Cesar, le roi de France ; saint Pere, le pape. Cf. v. 175-176.
[14] mon pere, Guillaume de Saint-Amour.
[15] 35-36. Cil... por qui, ceux de l’Université.
[16] « par peur de se découvrir ».
[17] Selon le proverbe (Morawski, n° 1939).
[18] 40-42. Appel à ceux des trois Facultés des Arts, de Décrets et de Médecine. Le droit romain (Justinien) s’enseignait à la Faculté de Décrets, à côté du droit canon. Noter que la Faculté de Théologie n’est pas nommée.
[19] « qui a exposé sa tête aux coups pour me protéger ».
[20] 50-52. De l’apostoile (Crapelet, Proverbes et dictons) : « la moquerie de Chatel Landon » ; — Sone de Nansai, v. 819-830 : « Castiau Landon, l’endroit ou repairent li mokeur » ; — Guillaume de Digueville, Pélerinage de la vie humaine, v. 7633 : « Et pour ce sui moqueresse... : nulle telle a Chatiau Landon pour denier ne troveroit on » ; — Jubinal, Mystères inédits, t. I, p. 263 : « Il fu né de Chateau Landon... : jamais il ne dormiroit aise s’il ne moquoit » ; — Leroux de Lincy, Proverbes, t. I, p. 220 (sans référence) : « Chateau Landon... : personne n’y passe qui n’ait son lardon ». Il faut donc lier le vers 51 au précédent (d’ailleurs selon l’usage le plus fréquent de l’auteur).
Le passage, si l’idée générale y est claire, n’en est pas moins difficile. « Vous lui (l’ = li ?) avez fait la moquerie de Châtel-Landon » (= « vous vous êtes moqué de lui ») est une expression du type « faire à quelqu’un la compagnie Tassel » (cf. Romania, VII, 1878, p. 5). — Mais Me vendez s’interprète mal. Est-ce « vous me trahissez » ? Me, atone, au lieu de moi, n’y fait pas obstacle (on le trouve notamment dans des interrogatives : Feuillée, v.1083, « Me volés mener pendre ? », et aussi dans des exclamatives : cf. E 50, « Me gart cil Dieus ! ») ; mais le sens vendre = « trahir » est mal attesté. — Si me était un datif, vendre pourrait signifier « jouer un mauvais tour, duper » ; mais en ce cas le verbe s’accompagnerait d’un complément de chose (Guillaume le Maréchal, v. 11552 : « volez me vos vendre la briche ? », — Jubinal, Nouveau Recueil, I, 285 : « qui vendent [ = affectent pour tromper] une simple chiere »). Ce complément pourrait être ici de Chatel Landon la moquerie ; mais il faudrait alors admettre une construction apo choinou de ces mots, ce qui n’est guère probable.
[21] n’en pouvoir mais signifie aujourd’hui « n’être pas cause, n’être pas responsable d’une chose » et se trouve déjà en ce sens dans la Rose, v. 3651 et 3690. Ici, l’idée est celle d’une chose qu’on ne peut éviter, comme généralement ailleurs et comme en d’autres passages de Rutebeuf (G 49 et 60 ; AG 58 et 107 ; AH 62 ; AL 20 ; AM 68).
[22] avril et mai, premiers mois du printemps (cf. AG 58 ; AL 81). Ici, la notion de printemps équivaut à celle d’année : « les années peuvent bien passer » et, sous-entendu, « vous n’en ferez rien de plus ». Cf. G 50-51 ; AS 849-854. Le sens d’années qui passent est bien visible dans la Rose, v. 3652 : « maintes fois est avris et mais passez qu’onques n’eüsmes blasme ».
[23] 56-64. Paroles de dépit et d’amertume, à ne pas prendre comme un conseil véritable.
[24] Ou, « ou bien ». — porte, subjonctif, comme deporte, malgré l’e final, qui n’est pas nécessairement imputable à l’auteur (: enorte, ind. pr. 1).
[25] « l’affaire en restera là ».
[26] « Parce qu’il disait vrai, on l’a déclaré dans l’erreur. » Pour le changement de sujet, cf. Rose, v. 12259 : « qui m’estes ci venu blasmer et por voir dire mesasmer ». — conclure, originairement terme d’école (« enfermer dans un syllogisme » et « mettre à bout d’arguments »), pris ensuite métaphoriquement (« convaincre d’erreur et réduire au silence »). Cf. L 163 ; AV 187 ; BD 220-224. Ajouter aux exemples, mal traduits, de Godefroy : Rose, v. 7450, 15470, 21178 ; Renart, XII, 639 ; Gilote et Jehane (Jubinal, Nouv. Rec., II, p. 33) ; Vilain qui conquist paradis, v. 107 ; etc.
[27] 71-72. Les deux mêmes vers dans G 52-53. — a fet son lais « a fait son testament », donc « est à l’article de la mort ». Dans AM 143, le sens est « faire son deuil de, se résigner à ».
[28] l’ renvoie à la notion abstraite de verité, incluse dans l’appellatif Verité du vers 71.
[29] 73-74. Même alliance des trois termes dans AD 89-90.
[30] L’on craint la menace physique plus que le péril de l’âme.
[31] des lor, « des leurs », renvoyant grammaticalement aux vices énumérés dans les vers 76-78, mais, par l’intention, aux Jacobins.
[32] Cf. Rose, v. 12033-12096, où Jean de Meung, parlant de Faux Semblant et d’Astenance, dit de celle-ci :
12067 El ressembloit, la pute lisse,
Le cheval de l’Apocalisse,
Qui senefie la gent male
12070 D’Ypocrisie, teinte et pale ;
Car cil chevaus seur sei ne porte
Nule couleur, fors pale et morte.
C’est l’interprétation de l’Apocalypse, VI, 8, donnée par Guillaume de Saint-Amour et ses sectateurs (De Periculis, p. 29 ; Sermon sur Jacques et Philippe, p. 496 ; Responsiones, § 34). Ce fait empêche de décider si la ressemblance des vers de Jean de Meung avec ceux de Rutebeuf (cf. D 54, et ci-après v. 92) doit s’expliquer par un rapport de dépendance plutôt que par une origine commune.
[33] Dans A, fauue, le second u étant exponctué de la même encre et remplacé en marge par c ; dans B, fauve ; dans C, primitivement fauce, avec insertion postérieure d’un trait, soit pour insérer un l entre u et c (mais ailleurs le scribe écrit fauce), soit pour faire du c un v (mais ailleurs il n’écrit v qu’à l’initiale des mots). L’adjectif fauve, indiquant une couleur, a rendu, dès la fin du XIIe siècle, l’idée de fausseté. Si c’est le mot que Rutebeuf a employé, c’est également en ce sens (cf. v. 93-94), déjà courant. Mais il a pu penser, en même temps, au pallidus de l’Apocalypse (voir note précédente) que les exégètes modernes rendent encore par « pâle » ou par « jaune ».
[34] par defors, « extérieurement, en apparence ».
[35] « Ces gens là auront à la fois Dieu et les trésors terrestres qui font l’aise du corps », Avoir Dieu c’est « avoir le paradis s : cf. R 289 ; U 36 ; et Tobl.-Lom., I, 762, 16-24.
[36] avoir, « les richesses », reprend l’idée de « tresors » du vers 95.
[37] 98-102. Suite de l’idée que les biens de l’Église, enlevés à ses membres authentiques, sont passés aux mains des Frères. La phrase est ironique : « (Il faut croire que) les richesses sont une bien sainte chose quand on les voit recherchées par des gens (les Frères) qui certainement (à les en croire) refuseraient, leur offrit-on toute la France, d’aller jusqu’au remords de conscience ».
[38] la (leçon de A), renvoyant à chose, est admissible, bien que le (leçon de B, C) semble préférable, renvoyant à avoir, mot majeur.
[39] feroient, « agiraient ». Pour le tour de l’expression, cf. Testament de Jean de Meung, p. 60 : « L’en trueve bien entre euls (les Frères) mainte bonne personne qui ne se mesferoient por Rains ne por Peronne ».
[40] de celui, « pour celui » (Guillaume).
[41] « qui réclame son retour ».
[42] Même image, à propos de Fortune, dans la Rose, v. 5048-62 et aussi dans Pierre de la Broce (Romania, LVIII, 1932), v. 109-110 (par comparaison avec le scorpion).
[43] clergié, compris dans C comme clergie.
[44] Borgoingne, le comté dont relevait Saint-Amour.
[45] 124-125. « Il est privé de tous mes droits (ceux de l’Église) dont il est le défenseur ».
[46] 126-131. Voir Notice.
[47] por tant... que (v. 134), « aussi longtemps que, avant que ».
[48] « quoi qu’il doive advenir ».
[49] 140-141. Cf. C 102. Le texte de B donne le sens : « il ne le ferait pas, je le sais bien : il aimerait mieux être emprisonné ou défiguré tout vif que d’être jamais si audacieux. Il ne veut pas le faire ».
[50] Que, « Car ».
[51] Formule d’espérance ; cf. Du segretain moine (M. R., t. V, p. 217), v. 72 : « Encor est-il (Dieus) la ou il sielt. »
[52] por... flater, « en flattant ».
[53] 153-155. Por, instrumental. « Il ne suffit pas de cheminer... pour être saint. » Contre les Frères semper ambulantes et gyrovagi, et bona hospitia quaerentes.
[54] Allusion au proverbe « aucune fois voir dire nuit » (Morawski, n° 175) ; en latin, Werner, L 47 : « Lites interdum fert qui vult dicere verum. » Cf. J 209.
[55] 159-161. Selon le proverbe : « En pou d’eure Deus labeure ». (Morawski, n° 679).
[56] « On en a vu cesser tel (bruit) qui était plus grand. »
[57] Façon usuelle de mesurer le temps d’après la durée d’un cierge allumé.
[58] Il, Guillaume.
[59] Formule de résignation. Cf. AM, 134.
[60] acorre, leçon de B, meilleure pour le sens et qui évite la rime du même au même.
[61] 175-176. por, « malgré ».
[62] mestres. La leçon autres de C serait meilleure.
[63] Vous feront... pestre, « vous mèneront comme du bétail, comme des imbéciles ». Cf. G 43 ; BD 241. — Aux exemples recueillis par Tilander, Lexique du Roman de Renart (s. v. pestre) ajouter : Gautier de Coinci (A. Långfors, Miracles de G. de C., p. 105, v. 285) ; Bible Guiot, v. 2596 ; Lai d’Aristote (édit. Delbouille), v. 166 ; Lamentations de Mahieu, 1. II, v. 1029 ; etc.
[64] devienent de cels, « passent aux rangs de ceux ». Cf., pour l’expression, AE 157.
[65] Les Frères.
[66] Le vers vise spécialement le pape Alexandre IV et le roi de France. Cf., pour l’espoir qu’il dissimule, J 107-123 et 135-140, et L 80-83 et 118-120.
[67] que j’ai descrit se rapporte à la fois aux Frères (v. 186), et à leurs soutiens (v. 187).
[68] Cestui, Guillaume de Saint Amour. — metre en escrit, « inscrire sur ses registres ». Cf. Joufroi, v. 168 : un roi, retenant des chevaliers à son hôtel, les fait « metre en escrit » par un de ses chambellans ; — Martin Hapart, v. 45 : le diable, comptant loger un mécréant en enfer, le « met en escrit » ; — Renart le Contrefait, v. 37580 : un évêque prend comme sien un homme relevant d’une seigneurie voisine et le « met en ses écrits » ; — Prière de Théophile (Jubinal, Œuvres de Rutebeuf, 2e éd., t. III, p. 315), v. 37 : « Royne glorieuse, de son escrit (du diable) m’efface ! » ; — XXIII manieres de vilain (Romania, XLVIII, 1922, p. 260), v. 44 « Biaus sire Criz, metez les fors de voz escris ! » ; — Courtois d’Arras, v. 440 : « Fors de l’escrit mon pere sui a tos jors graté. » Autre forme de l’expression dans G 48 : « Diex vos jete de son registre. »
[69] en prit (A) ; empri (B) ; en prist (C). — en annonce, par prolepse, la complétive qui suit (v. 195). Emploi fréquent, qui a eu pour effet la création du verbe emprier.
[70] 193-196. Phrase optative, grammaticalement indépendante de la précédente : « Veuille la Vierge le prier (Jésus) que... »
[71] il, Guillaume.
[72] sa volenté, celle de Jésus-Christ.