Panorama des principales éditions des œuvres de Rutebeuf. |
Manuscrits : A, fol. 324 r° ; B, fol. 67 v° ; C, fol. 63 v°. |
Texte et graphie de A. — Alinéas de A sauf, de notre fait, au vers 14. Alinéas des autres manuscrits : comme A, sauf que B en marque un de plus au vers 21. |
Titre : B De metre Guill’ de s. amor, C Ci encoumance li diz de maitre Guillaume de saint amour coument il fu escilliez — 1 B prince roi — 3 B fet m. ; A Guilliaume (second i exponctué) — 5 B mort n’i m. — 6 B Qu’il — 7 B qui mq. — 8 C de cest r. — 10 B mestres ; AB Guill’ — 11 B g. fere (fere exponctué) ; avoir en marge — 12 B Prelaz — 14 AB Guill’ — 16 BC v. di ge — 24 B entendre — 26 B en droit ne — 27 C Que r. — 28 A P. chose — 29 C dit — 30 B Si a — 33 A Qui — 36 B que ce m. — 37 B le d. — 38 B respons — 42 C t. se plaing — 45 C voiant — 46 B droit e. tort et droiz n. — 48 C qu’on la — 49 B d. si l. — 52 B logiques — 54 BC L’un — 56 BC au ; cler ; C f. li c. — 58 B Qui que d. ; C li cuers — 60 B blef ; mordre — 65 B Que lor — 66 B Car g. — 67 B foi et pais — 73 C Si fu — 74 C seelee — 75 C Maistres ; AB Guill’ — 78 B Par l’acort — 80 B Je s. — 82 B tuit — 83 B la mq. — 87 BC ce c’ains p. — 88 B Ne que la p. point ne desfist ; C Ne la pais puis ne — 89 B Sillesila — 90 B cil, C cist — 94 AB Guill’ — 96 B Qui — 97 C tuit — 98 B Si d. ; BC rien qui — 99 C Si le face hon — 100 B Maint — 103 AB Guill’ ; B de tot, C dou tot — 104 B seffre — 109 B sus sa — 113 B Que mq. ; C au grant jor dou j. — 114 BC P. li d. — 115 A Et v. — 116 C a. anui et — 117 C p. ce d. — 119 C dont ele me vaigne — B explicit mq., C Explicit ; A Guill’. |
[1] Entendre que le sort d’un homme injustement condamné à mort n’est pas pire que celui de Guillaume.
[2] sanz guerre avoir, « sans qu’il y ait guerre ».
[3] prelat : ceux qui, le 1er mars 1256, avaient fait entre les maîtres séculiers de l’Université, représentés par Guillaume, et les Frères Prêcheurs, une composition que le pape annula le 17 juin, et aussi ceux qui, le 31 juillet de la même année, avaient déclaré Guillaume prêt à être entendu devant un concile général : de quoi le pape n’avait pas tenu compte. L’autorité de leurs décisions et recommandations se trouvait ainsi bafouée. Cf. F 77-91.
[4] 14-15. Lequel des deux, on ne le savait guère : Rutebeuf va donc montrer qu’il y avait eu, en tout cas, violation du droit, que l’exil ait été ordonné soit par le pape (v. 16-20), soit par le roi à la prière du pape (v. 21-28), soit par le roi de son initiative propre (v. 29-42).
En fait, l’initiative première fut celle du pape, demandant au roi dès le 27 juin 1256 l’expulsion et même l’incarcération de Guillaume (Chart. Univ. Par., n° 282). Le roi n’accéda pas à ce désir ; mais, peu après, il envoya à Rome deux de ses clercs, Jean et Pierre, porteurs d’un exemplaire du De Periculis, et chargés de « proposer et demander » de sa part certaines choses « en faveur des Frères » (ibid., n° 289 : la lettre n’est que du 19 octobre 1256, mais vise des faits antérieurs). Si l’on admet que le roi, hésitant à prononcer de son chef le bannissement de Guillaume, a pu, par la voix de ses deux émissaires, demander au pape de prendre lui-même la décision, on s’explique que le pape, lui écrivant le 11 août 1257 (ibid., n° 315) pour l’informer qu’il venait d’interdire à Guillaume l’entrée du royaume de France, lui dise qu il l’avait fait à une demande du roi lui-même, que celui-ci « n’avait pas dû oublier ».
[5] La loi civile et le droit canon.
[6] prier, leçon des mss. B C, imposée par le contexte (cf. v. 22).
[7] Qui, dans A, = Qu’il. Mais qui, en pareil cas, ne se trouve guère que devant consonne.
[8] par droit, « légalement ».
[9] cil, Guillaume ; li demande, « demande réparation ».
[10] 41-45. Nous avons entendu, et conséquemment ponctué, selon la lettre du ms. A (por ce que, causal ; veez, indicatif ; si, marquant l’apodose). Un autre sens serait « pour que vous voyiez que je n’ai pas tort si je le plains, et qu’il a été exilé sans jugement, je vous le montre... » ; mais il faudrait que veez fût un subjonctif, que si fût un conditionnel (se dans C, avec omission de le), et qu’on passât sur la non-concordance des modes pour ai et soit.
[11] sanz jugement : le grand motif d’indignation des partisans de Guillaume : cf. E 25 ; D 100 ; F 97 ; et aussi les Collectiones, pp. 432-433 : « non per judicium, sed per potestatem judicum ». Le principe juridique fondamental qu’on ne peut être condamné sans jugement régulier est souvent rappelé dans les textes littéraires : cf. Nigellus, Speculum stultorum, édit. Wright, p. 43, v. 1-2 ; Babio, v. 264, etc.
[12] logique. Bien que le conflit ait eu son origine à la Faculté de Théologie, c’est à la Faculté des Arts que l’opposition aux Frères était la plus vive. Voir Introduction, p. 82.
[13] la cort, celle de Rome, où les délégués des Jacobins et ceux de l’Université avaient été appelés pour s’y confronter notamment en août 1254, puis en septembre-octobre 1256 (Responsiones, éd. Faral, pp. 362 ss.).
[14] la, « là » (à Rome) ; cort, « courts », c’est-à-dire « mal reconnus ».
[15] 57-60. Allusion aux nombreuses excommunications ou menaces d’excommunication que les Frères avaient obtenues du pape contre leurs adversaires.
[16] le cuer (A, B), li cuers (C). Cf. F 136, H 245, BE 24, où les mss. se partagent de même façon. L’on disait normalement « li cuers me duelt ». Mais quand doloir, à l’infinitif, dépend d’un verbe dont le sujet est différent (habituellement le verbe faire), le nom de la partie souffrante, sujet de cet infinitif, prend la forme du cas régime (ex. « trop m’avez fait le cuer doloir »). C’est sans doute par analogie avec cette construction que doit s’expliquer dans notre passage la leçon de A, B, incerrecte puisque le sujet est le même pour deüst et pour doloir, mais favorisée par le fait que deüst a pu être senti comme un impersonnel. Cas analogue, avec lermoier au lieu de doloir, dans AQ 4.
[17] Proverbe, appliqué ici aux Frères usant et abusant de leur crédit à Rome.
[18] 61-74. Il s’agit de la composition du 1er mars 1256 : voir Introduction, p. 76 ; cf. Responsiones, art. 14, et pp. 370-371.
[19] Nous ne savons comment expliquer cette image, qui doit exprimer une idée de division.
[20] 66-70. Sentiments prêtés ironiquement aux Frères (cf. B 3-6).
[21] « en s’engageant à ne plus jamais recommencer la guerre ».
[22] 73-74. Allusion à la pièce 268 du Chart. Univ. Par.
[23] 75-84. Seul témoignage connu sur cette audience. C’était le roi qui avait provoqué la réunion des prélats, où Guillaume tint un rôle important (Responsiones, art. 14) : il était naturel que celui-ci vînt, pour sa part, rendre compte aussitôt après l’accord et sans doute (à cause du futur deviseront) avant la mise en forme de la pièce officielle.
[24] 77-79. « Nous avons accepté la procédure d’une conciliation à arranger par les prélats. » Allusion au fait que les prélats n’ayant pu accorder les parties par la voie de l’arbitrage, avaient du moins obtenu d’elles qu’elles accepteraient une composition dont ils arrêteraient les clauses (Responsiones, art. 14).
[25] Formule employée par le roi pour éviter de jurer par Dieu ou par ses saints et qu’un scrupule accru lui fit ensuite abandonner (Geoffroi de Beaulieu, Vita s. Ludovici, 7).
[26] Si l’escilla, « et pourtant le roi l’exila ».
[27] 93-104. Mouvement de la phrase : « Si maintenant le roi faisait ce que Guillaume propose pour démontrer sa thèse, [à savoir] la réunion d’une assemblée de princes du siècle et de l’Église, [alors de deux choses l’une] : ou bien Guillaume apparaîtrait comme soutenant la vérité, et l’on ferait selon son dire ; ou bien il dirait des choses qu’il ne faut pas, et il accepte, en ce cas, d’être emprisonné ou mis à mort s’il ne se soumet pas. » Il serait hasardé de faire des vers 93-97 une conditionnelle absolue (cf. G 109 ss. et AK 37 ss.).
[28] que, le mot rien s’entendant comme un neutre (analogue, par exemple, à ce que li plest.).
[29] chose qui face a tere, c’est-à-dire un sujet à ne pas toucher, les Jacobins ayant fait grief à Guillaume d’avoir prêché inopportunément sur les périls des Temps derniers (Responsiones, partie V).
[30] Pour le sens de ces mots, cf. E 141-142.
[31] « pour rentrer en France ».
[32] La leçon Et vous, de A, est suspecte (répétition du v. 111). A vous, de B C, s’entend mieux. Le sujet de demandera est Guillaume (cf. v. 37). Si (v. 116) peut équivaloir à et, coordonnant les propositions du v. 114 et du v. 116, ou bien introduire l’apodose après temporelle. Donc « Et vous tous qui écoutez mon dit, quand Dieu se montrera cloué (ce qui sera au jour du grand Jugement), il [ou bien et qu’il] vous demandera réparation, et [ou bien alors] vous en aurez peur et honte. » Le premier des deux sens est plus naturel.
Vous, ce sont ceux (cf. v. 1 ss.) auxquels Rutebeuf fait un devoir d’intervenir.