Achille Jubinal, Li Diz de l’Universitei de Paris
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Le texte
  Œuvres complètes de Rutebeuf, trouvère du XIIIe siècle, recueillies et mises au jour pour la première
  fois par Achille Jubinal, Nouvelle édition revue et corrigée, A. Jubinal, 1874 : Paris, Paul Daffis, vol. 1, pp. 183-186.
   
  Ci encoumence
  Li Diz de l’Universitei de Paris[1].
  Ms. 7633.
   
1 Rimeir me covient d’un contens
2 Où hon a mainz divers contens
3 Deſpendu & deſpendera :
4 Jà ſiècles n’en amendra.
5 Li clerc de Paris la citei
6 (Je di de l’Univerſitei,
7 Nouméement li arcien,
8 Non pas li preudoms ancien)
9 Ont empris .i. contans encemble.
10 Jà bien n’en vanrra, ce me cemble,
11 Ainz en vanrra mauz & anuiz,
12 Et vient ja de jors & de nuiz.
13 Eſt or ce bien choze faiſant ?
14 Li filz d’un povre païſant
15 Vanrra à Paris por apanre :
16 Quanques ces pères porra panrre,
17 En un arpant ou .ij. de terre,
18 Por pris & por honeur conquerre,
19 Baillera treſtout à ſon fil,
20 Et il en remaint à eſcil.
21 Quant il eſt à Paris venuz
22 Por faire à quoi il eſt tenuz
23 Et por mener honeſte vie,
24 Si beſtorne la prophétie.
25 Gaaing de ſoc & d’aréure
26 Nos convertit en arméure ;
27 Par chacune rue regarde
28 Où voie la bele muſarde.
29 Partout regarde, partout muze ;
30 Ces argenz faut, & ſa robe uze :
31 Or eſt tout au recoumancier.
32 Ne ſait or boen ci ſemancier
33 En quareſme, que hon doit faire
34 Choze qui à Dieu doie plaire.
35 En lieu de haires, haubers veſtent,
36 Et boivent tant que il ſ’enteſtent.
37 Si font bien li troi on li quatre
38 Quatre cens eſcoliers combatre,
39 Et ceſſeir l’Univerſitei :
40 N’a ci trop grant averſitei.
41 Diex ! jà n’eſt-il ſi bone vie,
42 Qui de bien faire auroit envie,
43 Com ele eſt de droit eſcolier !
44 Ils ont plus poinne que colier,
45 Por que il vuelent bien aprendre ;
46 II ne puéent pas bien entendre
47 A ſeoir aſſeiz à la table.
48 Lor vie eſt auſi bien metable
49 Com de nule religion :
50 Por quoi lait lion ſa région.
51 Et va en eſtrange païs :
52 Et puis ſi devient foulz naïz,
53 Quant il i doit aprendre ſens ?
54 Si pert ſon aveir & ſon tens,
55 Et c’en fait à ces amis honte,
56 Mais il ne ſeivent qu’oneurs monte.
   
  Explicit.
 

[1] M. Paulin Paris regarde cette pièce comme l’une des plus anciennes pièces de Rutebeuf, et dit « qu’on doit se reporter aux soulèvements des écoliers en 1250. » J’avais eu l’idée, dans ma première édition, qu’elle pouvait être relative aux dissentions qui eurent lieu entre les écoliers, en 1266, surtout dans les Facultés des arts. Il y eut alors de véritables combats entre les anciens autres condisciples et leurs chefs. Ces troubles recommencèrent en 1268, et ils allèrent si loin, que l’évêque de Paris, Étienne Templiet, fut obligé d’avoir recours à l’excommunciation.

Mais, enfin, il y eut aussi, je le signalai moi-même, des troubles en 1251, et je me garderai bien de vouloir absolument que M. Paris ait tort. Au reste, ces désordres étaient fréquents. En 1218, l’official avait été obligé de rendre une sentence contre des écoliers ou soi-disant tels (vitam scholosticam se ducere fingentes). En 1223, même histoire. Seulement, on mit quelques-uns des coupables en prison, et même l’official alla plus loin, selon Du Bellay, car quosdam exterminavit.

En 1229, grande querelle encore entre les écoliers et les bourgeois. La reine Blanche se fâche, et, dit, Mathieu Paris, muliebri procacitate simul et impetu mentis agitato. Elle envoie ses archers mettre le hola. Quelques écoliers sont tués. L’Université demande justice. On la lui refuse. Alors maîtres et professeurs ferment les écoles et se dispersent à Angers, à Rouen, à Orléans ; mais tous en se retirant, n’avaient qu’un seul sentiment : Legatum romanum execrabant, reginæ muliebrem maledicebant superbiam, imo eorum infamem concordiam. L’historien anglais va plus loin encore. Il ajoute : « Recedentium quidam faventi, vel illi quos solemus gailliardenses appelare, versus ridi- culos componebant dicentes : »

                   « Heu ! moriunt ſtrati, merſi, ſpoliati ;

                   Mens mala legati nos facit iſta pati. »

J’ajoute, pour l’intelligence de ce passage, mais seulement à titre de rumeur du temps, que la reine, calomniée sans doute, passait pour avoir des relations avec le cardinal Saint-Ange, et que c’est ainsi qu’on pouvait dire d’elle qu’elle était le mauvais esprit du légat (mens mala legati).

M. Paris, outre ce que j’ai déjà cité de lui à propos de cette pièce, dit encore « qu’elle est pleine de bons sens et de réflexions judicieuses ; – qu’elle contient des passages offrant un grand intérêt historique, et qui font honneur à Rutebeuf. » Je souscris volontiers à ces paroles.

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